17 juillet 2024

Le bonheur: Son importance pour le management

Le bonheur

Ed Diener, professeur de psychologie américain, a contribué de manière décisive à l’étude systématique du bien-être humain en psychologie. Dès les années 1980, il s’est intéressé de près à la question du bonheur et a défini le bien-être subjectif comme l’association de sentiments positifs par rapport à des sentiments négatifs et la satisfaction personnelle dans la vie.

«Le bonheur est Je sens de Ja vie, Je but de J’existence humaine.» (Aristote)

Le bien-être subjectif peut être évalué soit globalement, soit par domaine de vie spécifique. Diener distingue les domaines de vie suivants: soi-même, famille/relations, travail, santé et loisirs.

Rapport entre les sentiments négatifs et les sentiments positifs

La composante émotionnelle du bien-être subjectif comprend le rapport entre les sentiments positifs et les sentiments négatifs. Si les émotions positives prédominent, une personne éprouve un bien-être subjectif. Ce type d’émotions ne suffit toutefois pas à décrire la construction complexe du bien-être, car la composante cognitive de la satisfaction de vie en fait également partie. Elle comprend le degré de satisfaction par rapport à ses propres conditions de vie.

Les recherches de Diener ont montré à maintes reprises que le bien-être subjectif reste relativement stable dans le temps et qu’il est également lié à des facteurs liés à la personnalité. Les personnes qui s’estiment plutôt extraverties et optimistes et qui ont des relations sociales stables connaissent un niveau de bien-être plus élevé. En revanche, les circonstances extérieures favorables influencent moins le sentiment de bonheur que, par exemple, la réalisation d’objectifs personnellement importants. Enfin, les influences culturelles contribuent au bien-être subjectif.

La définition du «bonheur» n’est pas la même aux États-Unis qu’au Japon ou dans les bidonvilles du tiers-monde. Ces conclusions ont été publiées avant le début du millénaire (voir par exemple Diener, Suh, Lucas, & Smith 1999), et la psychologie positive a pu s’appuyer sur elles dans ses recherches ultérieures, par exemple pour déterminer l’impact du bonheur sur la santé ou le revenu.

Si le bien-être subjectif se compose d’émotions positives ou négatives et de la satisfaction de la vie, le niveau de bonheur personnel augmenterait si l’on ressent plus d’émotions positives et/ou une plus grande satisfaction de sa propre vie. C’est là qu’interviennent les interventions de la psychologie po­sitive.

Les peuples les plus heureux

Les différences de bien-être subjectif ne sont pas seulement observables chez les individus, mais aussi parmi les nations. Felicia Huppert et Timothy So de l’université de Cambridge ont analysé les résultats d’une grande enquête européenne dans laquelle 2000 adultes de 23 pays de l’UE ont été interrogés (Huppert & So 2013). Il en ressort que les Danois sont le peuple le plus heureux, suivis par la Suisse, l’Autriche et les autres pays scandinaves, tandis que la Russie, le Portugal et les autres pays d’Europe de l’Est sont les derniers de ce classement. L’Allemagne se situe exactement au milieu du classement.

Le degré de prospérité, de stabilité et de démocratie de la société joue un rôle dans le bonheur des peuples. En outre, la manière dont la société évalue la recherche d’expériences positives ou l’évitement d’expériences négatives semble pertinente (Seligman 2012).

La grande pauvreté rend les gens malheureux, mais la grande richesse ne les rend pas plus heureux. Les citoyens américains, dont le niveau de vie est aujourd’hui en moyenne nettement plus élevé qu’il y a 100 ans, sont en comparaison même plus malheureux maintenant qu’auparavant (Diener & Biswas-Diener 2011). Et un pays au monde a fait de l’augmentation du bonheur un objectif national: le roi du Bhoutan avait déjà introduit en 1972 le concept de Gross National Happiness («bonheur national brut») comme objectif pour son pays; plus de 20 ans avant que Martin Seligman ne fonde formellement la psychologie positive comme champ de recherche.

A l’époque, l’objectif du roi du Bhoutan était de conduire son pays vers un développement économique positif, en accord avec les valeurs religieuses et culturelles spécifiques, et pas seulement de suivre les idéaux de prospérité occidentaux. Cela a conduit à un développement du tourisme au Bhoutan différent de celui de pays comparables. Les voyageurs étrangers devaient par exemple payer pour pouvoir se déplacer au Bhoutan, et ces revenus étaient investis dans l’éducation et la constrution de routes. Aujourd’hui encore, le Bhoutan est considéré comme un pays où le bonheur des citoyens joue un rôle important.

Être heureux

Qu’est-ce qui apporte le bonheur? Son­ja Lyubomirsky est certainement, avec Martin Seligman et Barbara Fredrickson, l’un des auteurs les plus lus dans le domaine de la psychologie positive, notamment lorsqu’il s’agit de publications de vulgarisation scientifique. Dans son livre Être heureux – The How of Happiness (Lyubomirsky 2008), elle présente de nombreuses méthodes scientifiquement fondées et applicables au quotidien pour augmenter son propre bien-être. L’un des résultats de ses recherches, appelé «camembert», est toutefois souvent cité de manière erronée.

Lyubomirsky a pu différencier, grâce à une grande méta-étude, la manière dont le sentiment de bonheur personnel dépend de différents facteurs, à savoir des conditions de vie extérieures, des conditions prédisposées et de l’action active (Sin & Lyubomirsky 2009). La relation entre ces facteurs est généralement représentée par un simple diagramme en camembert. Les conditions de vie extérieures (telles que la prospérité matérielle ou les conditions de logement) ne contribuent qu’à hauteur de 10% environ au bien-être personnel.

Les conditions prédisposantes (comme les gènes) contribuent à 50% et le comportement personnel actif à 40%.

Ce modèle semble évident et plausible, et c’est certainement la raison pour laquelle il est souvent cité. Malheureusement, un fait central est généralement négligé. En effet, le camembert ne montre pas les pourcentages des trois facteurs par rapport à l’expérience du bonheur d’une seule personne, mais il décrit plutôt à quoi sont dues les différences de bonheur entre les personnes.

Quelle serait en effet l’utilité d’affirmer que son bien-être personnel dépend à 50% de ses prédispositions génétiques et que pourrait-elle en faire?

Diagramme en camembert

Les pourcentages indiqués dans le diagramme en camembert se réfèrent à des variances statistiques, c’est-à-dire à des différences de niveau de bonheur entre de nombreuses personnes différentes. Si l’on considère ces différences, on peut dire que 50% d’entre elles sont dues à une prédisposition génétique, 10% à des circonstances extérieures et 40% à un comportement individuel autodirigé.

Un coach pourrait donc utiliser le camembert pour convaincre ses clients qu’ils peuvent tout à fait contribuer activement à leur bien-être personnel, car en moyenne 40% des différences de bonheur au sein d’un groupe peuvent être attribués à une action volontaire. Toutefois, il serait erroné de quantifier cela individuellement pour une personne.

«Être heureux» signifie bien plus que «se sentir bien». Le bonheur ne rend pas seulement subjectivement satisfait, il a des conséquences de grande portée. Les personnes heureuses sont socialement plus compétentes, plus coopératives, plus populaires, plus généreuses, plus flexibles, plus créatives et plus attratives pour les autres. Elles savent mieux diriger et négocier, ont des relations plus stables, des réseaux sociaux plus étendus, plus de succès au travail et de meilleures stratégies pour faire face aux échecs. Et il y a aussi un effet positif sur la santé et la durée de vie. Leur système immunitaire est plus fort, ce qui leur permet de tomber moins souvent malade et de se rétablir plus rapidement.

Les interventions psychologiques positives sont efficaces

Si l’on traduit cela en modèles de pensée et de comportement, on obtient le spectre suivant:

  • Les personnes heureuses entretiennent et apprécient les relations avec leur famille et leurs amis.

  • Elles expriment activement leur gratitude.

  • Elles proposent leur aide à d’autres, par exemple à des collègues ou à des passants.

  • Elles envisagent leur avenir avec optimisme.

  • Elles profitent de la vie et sont intérieurement plus présents dans le moment présent que dans le passé ou le futur.

  • Elles font du sport régulièrement ou fréquemment.

  • Elles poursuivent des objectifs et des idéaux (par exemple, transmettre des valeurs à leurs enfants).

  • Elles connaissent le stress, les crises et les tragédies comme les autres, mais elles gèrent ces défis de manière plus constructive.

  • Les interventions et les exercices de psychologie positive reflètent les modes de pensée et de comportement des personnes heureuses. Les interventions créent donc pour ainsi dire un terrain d’entraînement dans lequel les modèles peuvent être pratiqués. En règle générale, cela produit rapidement des effets positifs et contribue ainsi directement à la stabilisation des nouvelles habitudes.

  • Ces résultats d’études empiriques peuvent donc être directement appliqués au coaching, à la formation et au développement personnel. Ils proposent en quelque sorte des «recettes de base» sur la manière de modifier les habitudes personnelles de pensée et de comportement afin d’éprouver plus de satisfaction et de bien-être à long terme.

  • Le succès dépend toutefois de la manière dont l’utilisateur parvient à stabiliser ces nouvelles habitudes et à les intégrer comme des éléments naturels dans son répertoire de comportement.

L’étude sur des nonnes

Une étude souvent citée a démontré un lien entre les émotions positives et la durée de vie (Danner, Snowdon, & Friesen 2001). Des études antérieures avaient déjà montré que les émotions négatives affaiblissent le système immunitaire et augmentent le risque de maladie, mais que les émotions posi­tives peuvent avoir l’effet inverse.

Danner et ses collègues ont choisi un cadre assez inhabituel pour leur étude. Ils ont examiné plus de 600 religieuses américaines dont les conditions de vie étaient, comme on peut le comprendre, très similaires. Pour déterminer l’état d’esprit de ces personnes, les chercheurs ont comparé les textes personnels que les jeunes femmes avaient écrits lors de leur entrée dans l’ordre. On supposait que ces textes refléteraient clairement l’état d’esprit émotionnel de ces dernières.

Les textes personnels ont été écrits vers 1940. Les futures religieuses avaient en moyenne 22 ans. Les textes ont été comparés en fonction de leur quantité de mots et de phrases à l’émotion positive, ainsi que de la diversité des expressions émotionnelles positives. Au moment de cette analyse, 60% des religieuses étaient déjà décédées, ce qui a permis d’inclure la durée de vie comme variable supplémentaire dans l’étude.

Les résultats de l’étude ont montré que les femmes qui avaient exprimé davantage d’émotions positives dans leurs rapports personnels au moment de leur entrée dans l’ordre avaient vécu en moyenne dix ans de plus. Comme les nonnes avaient accepté de leur vivant un examen médical de leur cerveau après leur mort, une autre constatation étonnante a pu être faite. Les nonnes les plus heureuses n’avaient pas seulement vécu plus longtemps, leur cerveau présentait aussi nettement moins de signes d’altération générative (Alzhei­mer).

Autre fait remarquable: bien que des signes de la maladie d’Alzheimer aient été trouvés dans le cerveau de 15 nonnes décédées, ces femmes n’avaient montré aucun signe de démence de leur vivant.

Cette étude sur les nonnes est donc l’une des études classiques qui mettent en évidence l’importance des émotions positives pour la qualité de vie, la longévité et la santé mentale.

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